Tisser
samedi 31 mai 2025, par
Ce que j’apprends très vite, c’est que nous sommes liées. Ça sonne profond (un peu), sincère (vraiment ?).
Reset ! \n.
Ce que j’ai appris très vite, c’est que j’avais beaucoup de mal avec le lien. Il m’a fallu longtemps pour comprendre que j’aimais ça. Pas comme le marbré chocolat, pépites de chocolat, qui me régale de temps en temps. Tisser des liens avec d’autres humaines est l’expérience la plus belle, la plus enrichissante, la plus exaltante que je peux imaginer traverser, le temps de mon improbable passage sur Terre. Ça m’a même permis de faire la paix avec mes parentes qui, me transmettant la vie, m’ont forcée à naître. C’est dire…
Pour tisser, il faut être au moins deux. C’est là que ça se complique. Il faut s’accorder. Pas forcément s’entendre ni s’imposer de se comprendre. Laisser filer en soi. Laisser filer de soi. Pour tisser librement à deux.
Heureusement.
« M’entendre avec », j’ai longtemps douté. L’expérience répétée d’être dans un monde parallèle où je n’appréhendais ce que disaient les autres que statistiquement. Mettre quantités de paroles, d’actions et de retours d’expériences en relation avec des sensations, des pensées, des émotions qui avaient du sens pour moi. Pas un pont, un vortex. « Neuro-atypique » comme on dirait probablement aujourd’hui.
J’ai appris à adorer tisser ces liens-là en apprenant à tisser. Des liens qui me [re]tiennent, qui me font tenir entière aux limites floues plus qu’ils ne me permettent de me tenir, qui m’empêchent de tomber dans le vide. Accueillir la dépendance qui vient avec, accomplir sans retenue, habiter ma part du lien.
Apprendre à déjouer les liens qui entravent, à me méfier des nœuds-garrots et des images-pièges. J’aime bien nouer les liens. Comme une pause dans le tissage permanent et infini de la relation. Une manière de les empêcher de se défaire. Tisser me demande trop d’attention et d’énergie pour m’y livrer en 24/7. Il me resterait trop peu de temps pour jouir de la relation.
Mieux repartir, dénouer et reprendre le tissage. Dénouer délicatement, dénouer ensemble, pour rendre à la chaîne et la trame la liberté nécessaire pour bien tisser. Suivre les méandres du fil qui apparaissent au fur et à mesure que nous les dessinons. Complices, yeux plissés et rieurs de l’intérieur, affranchies de l’illusion mortelle du nœud d’arrêt.
Texte écrit lors de l’atelier d’écriture Langue de lutte sur les thèmes « Fierté – Rage - Paillettes ».
Contrainte : le texte commence par "Ce que j’apprends très vite…".