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Merci de respecter ma vie privée
Pourquoi je ne vous écrirai plus ni ne vous répondrai à votre adresse Gmail
Il n’est jamais trop tard
vendredi 29 avril 2022, par
J’aurais dû commencer par là : .« pourquoi je ne vous écrirai jamais à votre adresse Gmail » Je n’ai simplement pas osé. J’ai reculé devant l’indifférence et la suffisance de la « majorité », forte de son bon droit. Il n’est jamais trop tard.
Je ne vais pas vous parler de technique informatique, de cyber-résistance, d’économie politique… Je ne vais pas vous parler de choses qui vous conforteraient dans votre indifférence au motif que vous ne seriez pas spécialiste d’un de ces domaines ou encore moins de tous ces domaines à la fois. Je vais vous parler de choses que vous connaissez ou que vous pourriez inférer si vous y consacriez un quart de seconde, sans chercher à vous dédouaner. Bref, je ne vais rien vous révéler.
anti-scoop n°1 : Gmail est « gratuit ».
Vous savez que ce n’est pas possible, que le service ne vous est simplement pas facturé. Il a un coût que vous ne sauriez pas estimer mais vous savez qu’il a un coût. Vous le savez par une multitude de canaux. Vous savez que les services informatiques ne sont pas suspendus dans l’éther mais qu’ils utilisent des ressources informatiques qui elles-mêmes ont besoin de bâtiments, de terrain, d’énergie, de maintenance, de surveillance… Même si vous n’avez pas visité un data-center, vous savez que ça existe, qu’il y en a plein et probablement que cette cette prolifération n’est pas bonne pour la planète. Je passe sur le coût de développement et de maintenance du logiciel qui sert à faire fonctionner ce service, sinon vous allez me dire que vous n’êtes pas spécialiste en informatique. Mais là aussi, vous savez plus ou moins que les développeuses informatiques ne sont pas les salariées les plus mal rémunérées et savez plus que moins que celles qui taffent chez « Google » sont plutôt en haut de la pyramide. En un quart de seconde, vous pouvez à juste titre vous convaincre que le logiciel à un coût de production et d’entretien (parce que vous savez que les bug existent).
anti-scoop n°2 : Gmail n’est pas un service public, ni même une entreprise philanthropique.
Vous savez que « Google » est une entreprise commerciale, capitaliste, qu’elle a pour but de faire des profits et qu’elle en fait beaucoup.
Sans forcément savoir comment, vous vous doutez qu’une entreprise capitaliste qui ne facture pas un service coûteux doit retirer un bénéfice économique de cette activité. Peut-être même avez-vous eu l’audace intellectuelle de tenir un raisonnement semblable pour le moteur de recherche Google, « gratuit » lui aussi.
Partant de là, il n’est pas nécessaire d’être bac+15 en économie ou en informatique ni une cyberactiviste chevronnée pour admettre que Google scrute toutes les données échangées via Gmail, qu’il en tire des informations concernant vos correspondantes et qu’il exploite ces informations selon des modalités que vous ne soupçonnez pas pour peu qu’il en tire un bénéfice substantiel. Tout cela se fait aux dépens du respect de votre vie privée et de celle de vos correspondantes. Une situation que résume bien l’aphorisme « Si c’est gratuit, c’est toi le produit ! »
Certes, décortiquer les termes dans lesquels Google fait mine d’expliquer ce qu’il fait ou pas de vos données, déjouer les tournures trompeuses, confronter ses engagements à l’ensemble des activités de ce conglomérat et avoir une lecture « en creux » des utilisations potentielles qu’il s’autorise à en faire demande des connaissances et un effort spécifiques. Vous pouvez considérer qu’à défaut d’avoir le loisir de procéder à cette analyse, vous préférez négliger toutes les informations dont vous disposez déjà et vous en remettre au discours commercial de Google . Est-ce pour autant loyal vis-à-vis de vos correspondantes de leur infliger le sort que vous avez jugé acceptable pour vous-même ?
anti-scoop n°3 : lorsqu’on vous envoie un mail à votre adresse Gmail, il passe entre les mains de Gmail.
Que vous vous chatouilliez le clito que Google sache ce que vous écrivez est une chose. Que vous imposiez aux personnes qui vous écrivent de consentir au même renoncement à la protection de leur vie privée en est une autre… Je ne vais pas discuter les raisons qui vous ont conduites à consentir à l’utilisation que Google fait de vos données. Vous savez qu’elles sont utilisées et je fais confiance à votre intuition pour, sans vous griller les neurones, vous douter que cette utilisation va au-delà de ce que vous semble utile à votre propre usage. Je ne parle pas du réflexe d’autodéfense qui vous conduit à relayer le discours publicitaire de Google pour couvrir des agissements que vous vous sentez bien en mal d’argumenter en vous appuyant sur vos propres valeurs, vos capacités de raisonnement et les informations dont vous disposez. Vous savez que vous êtes plus dans l’acte de foi que dans l’analyse raisonnée même si vous évitez de vous poser la question en ces termes. Je vous fais ce crédit.
Il n’en reste pas moins qu’en choisissant une adresse Gmail pour vos communications quotidiennes, vous mettez vos correspondantes dans une situation délicate et inconfortable puisque tout ce qu’elles vous écriront passera entre les mains de Gmail. Soit elles acceptent que Google puisse accéder aux messages qu’elles vous adressent parce que vous en avez décidé ainsi. Soit elles refusent de se soumettre aux conditions d’utilisation et de « protection » auxquelles vous avez consenti et ne peuvent plus vous envoyer de mail. Le simple fait de pointer la question suffit à passer pour l’emmerdeuse de service ce qui permet du même coup d’occulter la coercition exercée suivant un mécanisme usuel de silenciation bien rodé par ailleurs. Car être du côté de Google n’est jamais qu’être du côté du nombre, de la modernité, de la force innovatrice, de l’incontournable, de l’évidence… Bref, du côté du « droit » qui s’autodéfinit comme tel puisque du côté du pouvoir. Est-ce pour autant juste ?
Ces seules raisons auraient dû me convaincre de ne jamais écrire à une adresse Gmail. Comme je l’écrivais en introduction, tel n’a pas été le cas. Jusqu’ici, Google avait une forte propension à classer mes messages dans les spams de mes correspondantes Gmail. Leur lecture s’en trouvait différée, allant jusqu’à la priver d’objet pour cause d’obsolescence, quand elle n’aboutissait pas à une absence pure et simple de lecture. Plusieurs correspondantes m’ont même expliqué que leurs tentatives de déclarer mon adresse comme « amie » (une donnée personnelle supplémentaire) s’avéraient sans effet. Déjouer ce type de déclassement était devenu un exercice obligé qui finissait pas être assez chronophage, pour un résultat finalement incertain m’obligeant à redoubler cette charge initiale d’une charge de suivi parallèle. J’avoue, dans les cas les plus importants, je suis allée jusqu’à envoyer des textos pour dire « je t’ai envoyé un mail » ! Aussi triste que cela puisse paraître, je m’en étais accommodée.
Il aura fallu que le seul fait de ne pas succomber à mon tour à Gmail ou à l’un de ses semblables m’ait placée dans une situation inextricable ou Google refusait de livrer mes messages. Nous y voici… Je n’ai pas envie de tenter de me rabibocher avec Google pour qu’il accepte de nouveau de livrer mes messages à mes correspondantes. Je n’ai plus envie de m’esquinter à déjouer ou corriger les dysfonctionnements de Gmail. J’ai mieux à faire et j’espère que vous ne m’en voudrez pas de ne pas être désolée.
anti-scoop n°4 : il existe des alternatives à Gmail.
Ah bon ? C’est certain, vous n’en avez jamais entendu parler. Jamais, autour de vous, quelqu’une n’a évoqué cette question : parmi vos amis, vos connaissances ou vos collègues, dans les réseaux sociaux que vous fréquentez, dans les médias que vous lisez, dans des débats que vous avez suivis d’une oreille plus ou moins attentive, dans les collectifs auxquels vous participez… Jamais ! Vraiment ?
« Ah oui » diront certaines « mais à quoi bon changer de fournisseur, ils sont tous pareils ! ». Pardon de leur poser la question mais sur quoi vous basez-vous pour étayer cette affirmation et l’opinion qu’elle exprime ? Je peux en comprendre la motivation – l’envie de se justifier à tout prix – mais je doute que les personnes qui formulent cette objection aient consenti le moindre effort pour se forger une opinion. Afin d’éviter les débats oiseux et pour faire gagner du temps à tout le monde, je précise qu’il suffit de taper « alternative à Gmail » dans un moteur de recherche, même Google, pour obtenir des réponses pertinentes, dès la première page de résultats. Ainsi, lors de la rédaction de cet article, le deuxième résultat de recherche sur Google était intitulé « Alternatives à Gmail : 5 boîtes mail qui respectent votre vie privée » !
Pourquoi être encore chez Gmail ?
Au final, les raisons pour lesquelles je ne souhaite pas vous écrire à votre adresse Gmail n’ont rien d’original. C’est raté pour l’effet de surprise :D En les énonçant, je vous ai peut-être rappelé deux ou trois choses que vous saviez déjà et pourraient vous faire vous demander pourquoi vous êtes encore chez Gmail…