L’amalgame est le degré zéro de la pensée
J’entends trop souvent des propos qui voudraient nous convaincre que le féminisme et les féministes sont les adversaires les plus dangereuses auxquelles la galaxie transgenre ait à faire face. Il faudrait pourtant regarder le monde qui nous entoure avec de bien étranges lunettes pour considérer que les mouvements féministes (ou gay ou lesbiens) sont le principal obstacle à la reconnaissance sociale, culturelle, politique et juridque de la diversité par rapport au genre. Bien sûr, ces propos anti-féministes ne se hasardent pas à ce genre d’analyse. Ils procèdent plutôt de la réthorique totalitaire qui veut que les pires ennemis soient dissimulés dans son propre camp, que les alliés objectifs de ses ennemis soient plus dangereux - car inconscients et peu suspects - que leur alliés subjectifs. L’histoire sociale et politique est jonchée des cadavres (physiques et politiques) des victimes de ce totalitarisme.
Ceci dit, il y a, chez "les" féministes comme ailleurs, des personnes profondément intolérantes. Il y a aussi des personnes profondément ouvertes à un questionnement sur les limites d’une définition politique s’appuyant sur le genre (certainEs féministes sont même "spontanément" ouvertEs sur ces questions, étant elles-mêmes trans’). Mais il y a une part non négligeable de femmes se déclarant féministes qui sont réticentes à aborder les questions de genre en dehors du schéma binaire (cela arrive même chez les transsexuelLEs). Réticentes ne veut dire fermées et mon expérience personnelle est que ces questions peuvent être abordées, pour peu qu’on ne précipite pas les choses... tout en restant insistantes et opiniâtres ;-)
Certes, il arrive que certains esprits s’échauffent et que les propos dérapent lorsqu’on le questionnement sur le genre interfère avec l’organisation non-mixte d’une partie du mouvement féministe (le féminisme ne se réduit pas à la non-mixité comme le caricaturent certainEs de ses adversaires). Pourtant, même en ce domaine, les opinions ne sont pas figées et il m’est arrivé, en tant que transgenre, d’être invitée à des rencontres non-mixtes, sans que rien ne me soit demandé.
Je pense que les personnes appartenant à la galaxie transgenre (traduction approximative et personnelle de l’expression "transgerder umbrella") ont beaucoup de choses à se dire et à dire ensemble. Qu’elles se revendiquent ou non du féminisme (oui, il existe des "transsexuelLEs" et des "transgenres" féministes) ces personnes ont beaucoup de choses à dire aux féministes mais aussi à partager avec elles. Ceci vaut également, pour les mouvements gays et lesbiens qui n’ont pas tous comme horizon l’intégration dans un modèle normatif "modernisé" où la galaxie transgenre aurait aussi peu de place que dans l’ancien modèle.
Il ne s’agit pas de dissoudre les questionnements posés par les différentes sensibilités de la galaxie transgenre dans une "soupe" LGBT’. Il s’agit plutôt de nouer, renouer ou renforcer des solidarités qui, si elles ne définissent pas une communauté, dessinent au minimum les contours d’un mouvement. Les obstacles sont nombreux de même que les tentations de jouer en solo, discrètement, pour s’infiltrer dans les interstices d’un système normatif, exclusif et répressif. Mais des volontés réelles d’unir nos voix - dans le respect de chacunE - et de partager nos expériences existent partout. Je préfère voir ce côté des choses et aller au devant de celles et ceux qui font ce pas vers nous.