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TGirls et féministes

Des mots pour nous le dire

mardi 31 janvier 2006, par Flaz

Prendre prétexte de prises de positions transphobes de certaines personnes se réclamant du féminisme pour condamner le féminisme et fustiger touTEs les féministes est un artifice grossier. L’antiféminisme n’est pas nouveau et le fait qu’il ne sache plus quoi inventer pour se dissimuler est un signe encourageant.

Faut-il pour autant ignorer la conflictualité latente entre une contestation du genre comme catégorie et une affirmation politique prenant le genre comme ligne de partage ? Certes non. Mais adopter la posture de l’opposition n’est qu’une manière de se soumettre à cette conflictualité, non de la porter. Reste à [re]trouver les mots pour la dépasser ; un travail déjà entamé.

L’amalgame est le degré zéro de la pensée

J’entends trop souvent des propos qui voudraient nous convaincre que le féminisme et les féministes sont les adversaires les plus dangereuses auxquelles la galaxie transgenre ait à faire face. Il faudrait pourtant regarder le monde qui nous entoure avec de bien étranges lunettes pour considérer que les mouvements féministes (ou gay ou lesbiens) sont le principal obstacle à la reconnaissance sociale, culturelle, politique et juridque de la diversité par rapport au genre. Bien sûr, ces propos anti-féministes ne se hasardent pas à ce genre d’analyse. Ils procèdent plutôt de la réthorique totalitaire qui veut que les pires ennemis soient dissimulés dans son propre camp, que les alliés objectifs de ses ennemis soient plus dangereux - car inconscients et peu suspects - que leur alliés subjectifs. L’histoire sociale et politique est jonchée des cadavres (physiques et politiques) des victimes de ce totalitarisme.

Ceci dit, il y a, chez "les" féministes comme ailleurs, des personnes profondément intolérantes. Il y a aussi des personnes profondément ouvertes à un questionnement sur les limites d’une définition politique s’appuyant sur le genre (certainEs féministes sont même "spontanément" ouvertEs sur ces questions, étant elles-mêmes trans’). Mais il y a une part non négligeable de femmes se déclarant féministes qui sont réticentes à aborder les questions de genre en dehors du schéma binaire (cela arrive même chez les transsexuelLEs). Réticentes ne veut dire fermées et mon expérience personnelle est que ces questions peuvent être abordées, pour peu qu’on ne précipite pas les choses... tout en restant insistantes et opiniâtres ;-)

Certes, il arrive que certains esprits s’échauffent et que les propos dérapent lorsqu’on le questionnement sur le genre interfère avec l’organisation non-mixte d’une partie du mouvement féministe (le féminisme ne se réduit pas à la non-mixité comme le caricaturent certainEs de ses adversaires). Pourtant, même en ce domaine, les opinions ne sont pas figées et il m’est arrivé, en tant que transgenre, d’être invitée à des rencontres non-mixtes, sans que rien ne me soit demandé.

Je pense que les personnes appartenant à la galaxie transgenre (traduction approximative et personnelle de l’expression "transgerder umbrella") ont beaucoup de choses à se dire et à dire ensemble. Qu’elles se revendiquent ou non du féminisme (oui, il existe des "transsexuelLEs" et des "transgenres" féministes) ces personnes ont beaucoup de choses à dire aux féministes mais aussi à partager avec elles. Ceci vaut également, pour les mouvements gays et lesbiens qui n’ont pas tous comme horizon l’intégration dans un modèle normatif "modernisé" où la galaxie transgenre aurait aussi peu de place que dans l’ancien modèle.

Il ne s’agit pas de dissoudre les questionnements posés par les différentes sensibilités de la galaxie transgenre dans une "soupe" LGBT’. Il s’agit plutôt de nouer, renouer ou renforcer des solidarités qui, si elles ne définissent pas une communauté, dessinent au minimum les contours d’un mouvement. Les obstacles sont nombreux de même que les tentations de jouer en solo, discrètement, pour s’infiltrer dans les interstices d’un système normatif, exclusif et répressif. Mais des volontés réelles d’unir nos voix - dans le respect de chacunE - et de partager nos expériences existent partout. Je préfère voir ce côté des choses et aller au devant de celles et ceux qui font ce pas vers nous.

Messages

  • On ne devient pas féministe ni antiféministe : on l’est le plus souvent très jeune du fait de l’éducation et du milieu dans lequel on grandit. Cette sensibilité (le féminisme) évolue avec le temps, cette intolérance (l’anti-féminisme) ne persiste telle quelle que chez des gens déjà sous-équipés culturellement et intellectuellement.

    Le féminisme, qu’on soit homme ou transgenre, donc d’éducation fatalement masculine, ressort le plus souvent d’un principe philosophique humaniste et égalitariste qui ne peut pas s’accomoder des archaïsmes sociaux ni des pratiques des sociétés archaïques à la pensée fossile.

    Pour avoir beaucoup côtoyé et soutenu, dans ma jeunesse estudiantine, les féministes d’après Mai 68 - et d’abord le MLF - je me suis souvent trouvée face à des "nanas" chez qui l’action militante effaçait toute féminité dans l’expression vocale ou corporelle. Leurs outrances étaient plus pathétiques que repoussantes, excès fréquents quand la pensée mal structurée et la jeunesse poussent à des dérapages, mais dans l’action politique j’ai aussi vu pas mal de dérapages, maladie infantile du gauchisme, aurait pu ricaner le fantôme de Lénine... tout à fait en accord avec un texte de Mao : "les gauchistes exagèrent tant les contradictions entre le peuple et ses ennemis qu’ils y font aussi entrer des contradictions au sein du peuple" [ "de la juste solution des contradictions au sein du peuple". Pékin 1957].

    Dans le même axe de pensée je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer d’anti-féministes appréciant la gent transgenre, les machos qui "vont aux travs" n’étant ni féministes ni anti-féministes, juste des prédateurs égocentriques.

    Je ne pense pas qu’il soit pertinent de rechercher une dichotomie ou une analogie entre femmes naturelles et femmes de vocation dans la problématique du féminisme, il y a tant de cas intermédiaires ! Ce qui est par contre fondamental, c’est l’attitude ouverte ou fermée que suscitent les personnes transgenres, qui n’a rien à voir avec le féminisme.

    Quoi qu’il en soit la contradiction féminisme / anti-féminisme n’est qu’un aspect de la contradiction plus vaste entre modernité et archaïsme, entre égalité et inégalité, entre intelligence et connerie, entre avenir et passé, bref un avatar de plus de la dualité universelle du yin et du yang, que Mao appelait la loi de l’unité des contraires. Je précise quand même - mais les visiteurs du site de Florence ne sont pas des naïfs - que je ne fais référence à Mao qu’en tant que philosophe taoïste, ses écrits politiques méritant une exégèse plus vaste et plus critique, qu’il serait absurde de développer ici.

    Viviane* 16 mars 2006

  • "On ne devient pas féministe ni antiféministe : on l’est le plus souvent très jeune"
    Ouais mais attention à faire la différence entre ce qu’on est, ce qu’on se nomme et ce qu’on est nommé.
    A cause de mon éducation (assignation) en garçon j’ai mis du temps à me nommer féministe. Je me suis même reconnu comme anti-sexiste avant de me dire féministe. (C’est aussi un problème de connotation du vocabulaire, le "fémin"isme évoquant le camp des femmes alors qu’il est celui de l’égalité, donc le juste milieu. D’où l’aberration du mot "pro-féminisme".)

    Pour revenir au sujet :
    Je suis très sensible à cet article. Faut dire qu’en tant que trans’ ET féministe ET queer, c’est pas étonnant :) !
    Mais pour moi ces trois éléments font parti d’une même logique (anti-assignationniste).
    J’ai croisé sur le net des féministes, qui se disent trans’ ou pas, très ouvert(e)s aux problématiques des LGBTI. Mais il en autrement hors du net. Les médias ne parlent que de certains féministes qu’ils nomment "le féminisme" au singulier. Un féminisme essentialiste (ou culturaliste, genre Badinter) parfois déformé par l’incompréhension des journalistes. Par exemple "combattre une image dégradante des femmes" peut être retranscrit en "protéger une image valorisante de la femme", sans comprendre que combattre une image ne dit pas qu’il y en a une autre à protéger.
    Tous les féministes n’ont pas une vision abolitionniste de la prostitution. C’est pourtant l’image commune qu’à la population du féminisme.
    Avec de telles fausses idées généralistes sur le féminisme, certains féministes ne se pensent pas féministes et ont même l’appellation en horreur. Certaines attaquent ne sont qu’en fait méconnaissance par mésinformation des véritables idées et motivations des personnes attaquées.
    Combien de fois, sur un forum féministe anti-sexiste, j’ai vu débarquer des internautes qui accusent les autres inscrits des clichés habituels sur le féminisme ? Certains par opposition à ce qu’il croient être le féminisme ce disent non-féministes voire anti-féministes alors qu’ils sont féministes et même anti-sexistes.
    Bref le mot même de "féminisme" porte à confusion. On sait pas toujours de quels cotés sont les féministes (parfois des deux ou plus). Tantôt l’opposition féministe vs anti tient du débat sur les questions de genre, tantôt il ne s’agit que de quiproquo entre des personnes partageant les mêmes opinions mais ne se reconnaissant pas sous la même appellation.

    Voir en ligne : Espoir d’1 rat vert

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